Avec ce roman paru 2015 aux éditions Le Serpent à Plumes, l'écrivaine coréenne Han Kang nous livre un fascinant portrait
de femme.
La littérature est sans conteste le lieu où peut se
dire la folie, dans toute sa complexité. Dans La Végétarienne, le
personnage de Yǒnghye décide de ne plus manger de viande, car elle rêve
chaque nuit de visages ensanglantés. Petit à petit la jeune femme devient
insomniaque et anorexique. Il y a chez elle un abandon, un rejet du monde dans
lequel elle vit, mais aussi une résistance, une détermination, et un
projet — intime, onirique — lié au végétal. Dans une belle écriture,
parfaitement rythmée, au style net et ciselé, Han Kang nous raconte
l’histoire de Yǒnghye successivement par les voix de son mari, de son
beau-frère et de sa sœur. Les rapports que chacun entretient avec Yǒnghye sont
de natures différentes : purement usuels et liés à la norme sociale pour
le mari, érotiques et artistiques pour le beau-frère, liés à l’enfance et à
l’imaginaire pour la sœur. Ainsi, l’empreinte laissée par Yǒnghye sur la réalité qui l’entoure étant relative, ne peut-on pas considérer que sa
folie l’est aussi ? N’existe-t-il pas une étrangeté
irréductible chez chacun ? Les raisons qui poussent le fou à renoncer à la
réalité sont-elles illégitimes ? Quelle place occupe le rêve dans nos
réalités quotidiennes ? Ce sont quelques-uns des leviers
que Han Kang actionne pour interroger le rapport de la folie à la
moralité, mais aussi à la soif d’absolu, à l’art, à la fiction et à
l’imaginaire. Un très beau roman !