C’est par l’écrivain Clément Bénech que j’ai découvert
Bertrand Belin et son roman Littoral (POL, 2016). Il en avait parlé sur son
compte Instagram lors de sa sortie. Alors l’autre jour, quand je suis tombée
dessus à la librairie Le
Failler, je l’ai acheté. Depuis, j’ai appris que Bertrand Belin avait écrit
un autre roman, Requin, et qu’il était chanteur.
Trois pêcheurs sont dans un bateau
Littoral est un texte assez court racontant l’histoire
de trois pêcheurs : l’autre, en rouge ; le troisième homme et le
plus jeune. Comme tous les matins, avant le lever du jour, ils partent en mer
sur le bateau de l’autre, au large de la presqu’île où ils vivent. On
comprend qu’un événement grave est arrivé, mais on apprendra que plus tard
lequel. L’événement est dans tous les esprits. Il tourne en boucle dans la tête
de chacun. Tour à tour, Bertrand Belin raconte les intériorités des
personnages, nous donne à lire des flux de pensée. C’est fascinant, car la
langue s’adapte complètement au flou, à la répétition, au bégaiement, ou au
contraire à une perception aiguë et soudaine de la conscience.
La chape de plomb de l'oppression
Et si les personnages semblent parfois souffrir de claustrophobie
mentale, c’est qu’ils font face à la brutalité : d’un homme en particulier en
mer et de « l’armée d’un pays » qui a restreint la liberté de tout
le monde sur terre. Les personnages sont empêchés dans leurs pensées, mais
aussi dans leurs mouvements : des silhouettes se croisent, se frôlent,
mais les regards s’évitent. Comme si la chape de plomb de l’oppression opérait
autant sur la conscience que sur le corps des individus.
Il pense, il trouve, qu’il peut tendre son bras et l’enfoncer dans les
causes extérieures variées s’il le souhaite et pense dans la même pensée
qu’il peut tout autant retirer son bras des causes mais en faisant le
geste il voit que non. (…) Il se dit que c’est le monde autour qui a
contracté son épaisseur depuis que l’armée d’un pays y joue sa musique.